L’eau en question
Pierre Lachaîne
L’organisation Greenpeace Canada annonce avoir déposé une plainte au Bureau de la concurrence contre la 91Porn alliance des six plus grands producteurs de sables bitumineux. Greenpeace allègue que l’Alliance 91Porns voies (Pathways Alliance), créée en 2021 regroupant Canadian Natural Resources Limited, Cenovus Energy, ConocoPhilips Canada, Imperial, MEG Energy et Suncor Energy a orchestré une campagne publicitaire trompeuse décrite comme une tactique d’écoblanchiment. Cette stratégie de communication vise, selon Greenpeace, à influencer l’opinion publique et à faire pression sur le gouvernement fédéral afin de modifier la législation pour leur permettre de produire davantage et surtout de disposer de l’eau contenue dans les bassins de décantation.
Cette campagne Mettons les choses au clair a de quoi surprendre lorsque l’on y regarde de plus près. C’est autour de 1967 que l’exploitation des sables bitumeux commence dans la région de l’Athabasca en Alberta. La première exploitation industrielle débute dans le cadre du projet Great Canadian Oil Sands renommé depuis Suncor. Les sables bitumineux sont un mélange de sable, d’argile, d’eau et de bitume, un type de pétrole trop lourd pour s’écouler librement, tout à fait comparable à de la mélasse froide. Par conséquent, pour être en mesure de séparer le bitume du sable, il faut chauffer le tout en y injectant de grandes quantités d’eau puisée à même la rivière Athabasca. Il faut puiser entre deux et cinq barils d’eau pour produire un baril de bitume. L’eau qui ressort du procédé est un liquide hautement toxique (arsenic et mercure) que l’on achemine vers des bassins de décantation (tailing ponds).
Actuellement, la quantité d’eau utilisée dans la production quotidienne est de l’ordre de 1,8 milliard de litres. Selon une étude publiée en 2020 par Environnemental Defence Canada 50 ans de croissance des bassins de décantation, cartographie des décennies de destruction par les résidus des sables bitumineux. La croissance des bassins de décantation dans les 20 dernières années est de l’ordre de 300 %. La quantité d’eau toxique retenue dans les bassins représenterait 560 000 piscines olympiques ou 130 km2 c’est-à-dire la moitié de Laval. Selon Aliénor Rougeot, militante franco-canadienne pour la justice climatique et le Dr Gamal El-Din, professeur à l’Université de l’Alberta et spécialiste en traitement des eaux usées : «â€¯les technologies existent pour traiter les eaux rejetées par l’industrie des sables bitumineux mais ce n’est pas faisable économiquement ».
Selon les porte-paroles de l’industrie, plusieurs recherches sont en cours pour mettre au point une ou des technologies afin d’être en mesure de retourner l’eau à son point de départ c’est-à-dire à la rivière Athabasca. Les communautés autochtones sont très inquiètes devant cette possibilité et on le serait à moins.
Melody Lepine, porte-parole de la Première Nation crie de Mikesew avance : «â€¯Le Canada doit éviter d’aggraver le lourd impact environnemental de l’exploitation des sables bitumineux et mettre en application ce qu’il prône à la 15e conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP 15). » En effet, Ottawa prévoit modifier la Loi sur les pêches afin de permettre le rejet d’effluents traités provenant de l’industrie des sables bitumineux dans la rivière Athabasca.
La réalité prend des formes fort différentes selon les lunettes que l’on porte. L’exploitation des sables bitumineux est une occasion de développement économique formidable offrant un potentiel de réaliser des profits faramineux ou une catastrophe écologique épouvantable dont nous soupçonnons à peine toutes les conséquences. Certes, la compréhension de l’urgence d’agir pour tenter d’atténuer voire de renverser les changements climatiques ne constituait peut-être pas une réalité tangible en 1967. Néanmoins, transformer de l’eau potable en poison même il y a quelques décennies relève d’une ignorance condamnable où l’aveuglement volontaire n’a d’égal que la recherche de profits à tout prix.
Aux politiciens qui seraient tentés de modifier la Loi sur les pêches afin de permettre à l’industrie de se libérer de ce fardeau des bassins de décantation, un fardeau soyons sérieux, un désastre écologique dont l’industrie est entièrement responsable, je suggère d’être les cobayes à déguster cette eau soi-disant décontaminée, filtrée ou recomposée.
À la lumière des événements entourant la saga de la fonderie Horne, je ne crois pas que le Québec puisse bomber le torse face à l’Alberta en matière de protection de l’environnement.
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