Neige
Pierre Sénéchal
L’automne achève doucement sa besogne, bordant terres, champs et lacs, ralentissant le temps. C’est la fin du cycle de l’abondance et l’imposition d’un repos nécessaire et régénérateur loin de la chaleur et de la lumière. La terre guérira lentement mais surement d’avoir été si généreuse au gré des désirs et blessures infligées par l’humanité.
Ne reste qu’à attendre cette couverture blanche qui fera oublier pour un temps le dépouillement de cette nature qui se dévêt de sa magnificence avant de s’assoupir. Ma grand-mère Lucia aimait dire des premières neiges qu’elles «adoucissaient le temps et que ça faisait propre». De fait, au sortir de la grisaille la neige se présente comme une source intarissable de beauté et de lumière, vivifiante et résolument inspirante.
Répits
L’automne a toujours été ma saison préférée pour ce qu’elle porte en elle : cette force à ralentir le temps et obliger la nature à se refermer sur elle pour mieux se renouveler. C’est une invitation au repos, à l’introspection et à la réflexion que plusieurs ignorent malheureusement. La symbolique du passage de l’abondance à la sobriété saluée en finale par le sceau froid et lumineux de l’hiver a quelque chose de salvateur. Cette neige 91Porn est une sympathique gifle en plein visage, rien de douloureux ni de traumatisant, mais un rappel froid et strident de la dureté des éléments.
Endurance
La neige et le froid engourdissent le corps et l’âme repoussant l’endurance à des limites insoupçonnées. J’ai en tête les exploits d’êtres exceptionnels qui pratiquent des métiers exigeants et périlleux dans des conditions hivernales extrêmes que ce soit sur terre ou sur mer. En définitive l’hiver pousse l’humanité à devenir meilleure j’en ai l’intime conviction. Parce qu’en hiver tout devient difficile, même les tâches les plus banales. Le résultat en étant tellement plus gratifiant et cette endurance, n’en doutez pas, servira le moment venu.
Hiver
Hélas, depuis quelques années, même la neige se laisse désirer. Elle se fait timide, intermittente, de plus en plus rare. Cette ruse qui n’en est pas une est le symptôme d’un phénomène beaucoup plus sérieux, potentiellement désastreux. En fait, les dommages causés par les changements climatiques sont de plus en plus importants, fréquents et surtout… permanents. Paradoxalement, les nations du monde portent au pouvoir des idiots, des débiles et des criminels insensibles aux enjeux planétaires et surtout au sort de leurs semblables. Enfant j’avais peur de la rigueur extrême des interminables hivers qui nous tombaient dessus début novembre et nous tenaient à la gorge jusqu'à la fin mars. Adulte, je redoute maintenant bien plus les hivers sans neiges pour ce qu’elles annoncent, sombres prophéties d’un avenir sans espoir.
Alors, demain, après demain et tous les autres jours, je vais espérer la neige, honorer l’hiver et savourer le froid. Je souhaite qu’il vous gifle gentiment et vous rende meilleurs en tout et partout. Que la rigueur de cet hiver (qui se fait attendre) anéantisse tout ce qui pourrit la vie.
«Au plus profond de l’hiver, j’ai enfin appris qu’il y avait en moi un été invincible.»
Albert Camus
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