Porter le kilt écossais et son tartan louperivois? Jamais!
Eliane Vincent
Lettre au comité organisateur du 350e de Rivière-du-Loup
par Jean-François Vallée
Bonjour, amis lecteurstricesetautres. Cette semaine, j’ai le plaisir de céder ma place à Jean-François Vallée, le temps d’une petite mise au point historique. Bonne lecture!
Éliane
Dans un fracas de tambours et de cornemuses, le 350e de Rivière-du-Loup déroulera le tapis rouge au nouveau par son Cercle de Fermières.
Débordant d’enthousiasme, les élus comme les organisateurs souhaitent ainsi souligner la présence des Fraser, ces seigneurs écossais qui ont fondé Fraserville, l’ancêtre de Rivière-du-Loup. Mais quand on gratte un tant soit peu ce vernis, on s’aperçoit vite que les Écossais en général, et les Fraser en particulier, n’ont pas été que des anges avec nos ancêtres.
Rappelons la triste vérité : dans l’histoire du Canada français, de l’Acadie comme du Québec, les Écossais, anglophones et protestants, combattaient farouchement les francophones et les catholiques…
C’est en zélés colonisateurs alliés aux Anglais que les Écossais ont conquis et annexé la Nouvelle-France. Leurs soldats ont fait couler le sang partout sur leur passage – notamment ceux du 78e régiment des Fraser Highlanders, régiment créé dans le but de mater Acadiens et Canadiens français –, puis ont colonisé et accaparé le territoire, ses ressources, ses richesses. Récompensés pour leurs victoires, nombre d’Écossais ont par la suite prospéré.
La vie du fameux l’illustre à merveille. Né à Abernethy, en Écosse, il joint le 78e régiment d’infanterie en 1757. Loin d’être un simple figurant, « il participe d’abord activement au siège de Louisbourg (1757) puis, en juillet 1759, à la bataille de Beauport ». En août, son régiment se charge de brûler la côte de Beaupré, et commet le , où le curé et sept paroissiens . Puis, les soldats brûlent l’église, les maisons et les champs. Quand nos ancêtres apparaissent dans son journal personnel, c’est en ces termes : « enemy killed ». À sa défense, quand le « barbare capitaine Montgomery » fait abattre au tomahawk, puis scalper deux prisonniers, Malcolm y déplore cette « boucherie inhumaine et cruelle ». Il se distingue par la suite aux batailles des plaines d’Abraham (1759), de Sainte-Foy et de Montréal (1760).
En 1763, son régiment démantelé, ce même Malcolm choisit de demeurer en terre conquise. Ça tombait pile-poil : la défaite française força le seigneur Danseville à , et en 1763 à vendre la seigneurie de la Rivière-du-Loup au gouverneur Murray, un autre Écossais. En récompense de ses loyaux services, « Malcolm reçoit la seigneurie de Mount Murray en 1762, loue une partie de celle de l’Île-d’Orléans et devient seigneur des 3000 acres de terre de la Rivière-du-Loup en 1766 ». Dès lors, la lignée des Fraser a fait main basse sur les terres des vaincus.
Par la suite, d’autres honorables Écossais continuèrent à fréquenter Fraserville en villégiature, comme un certain , né à Glasgow. Malgré que ce « Père de la Confédération » unilingue anglais se soit révélé ouvertement envers les Autochtones et les Francophones, il a longtemps orné nos .
Choisissant sciemment de gommer ces faits, la Ville célébrera en grande pompe ce régiment meurtrier, incendiaire et destructeur envers les nôtres : elle l’a invité à le 1er juillet prochain dans les rues de Rivière-du-Loup.
Comme l’explique la gestionnaire aux programmes culturels et patrimoniaux de la Ville de Rivière-du-Loup : « C’est important de savoir d’où on vient pour avancer dans notre vie. Je pense que les Louperivois d’aujourd’hui doivent connaître leur histoire. Certains la connaissent bien, d’autres moins ».
100 % d’accord. Il y a, en effet, une limite à ignorer sa propre histoire.
Elle ajoute : « Puisque les Français ont sûrement eux aussi tué des Écossais en 1759, c’est égal. » Misère.
Oui à un fléché patriote louperivois
S’il reste un tant soit peu de fierté francophone, québécoise et nationale aux organisateurs, voici deux suggestions pour faire amende honorable. D’abord, dans un geste de dignité tardive, le Cercle de Fermières pourrait créer un louperivois… Ainsi, au lieu de reléguer au second rang l’identité québécoise en la symbolisant par un mince fil d’un tartan qui la noie de couleurs, ce serait l’identité écossaise qui ne tiendrait qu’à un fil du fléché de la ceinture. Ce ne serait que justice de ravaler les Écossais de 1837 au rang qu’ils méritent… Comme ceux du , fondé en 1836 par , qui combattaient farouchement les Fils de la liberté, nos ancêtres patriotes. Cet « ennemi irréconciliable des Canadiens français », ce « fanatique haineux » prônait ouvertement l’assimilation des « Canayens » et des Métis, comme son bon ami écossais , tout aussi francophobe.
Trop tard, c’est raté : le 22 mai, aucune activité officielle du 350e ne soulignera la Journée nationale des patriotes.
Ensuite, le 14 juillet, jour de la fête nationale de cette France de nos racines profondes, pourquoi ne pas organiser une grande célébration patriotique? Tant de façons existent pour raviver quelque peu notre fierté française négligée : un défilé militaire français, des groupes de musique venus de l’Hexagone, ou encore un banquet digne d’Obélix…
Si on peut applaudir les Écossais d’aujourd’hui dans leur combat pour l’indépendance et la liberté, et reconnaître qu’ils ont fini par se franciser en épousant des femmes d’ici, cela ne justifie pas qu’on encense un régiment qui a contribué à priver nos ancêtres de leur propre liberté. Et qui a leur sang sur les mains.
On peut rêver au jour où nous fêterons au moins autant nos ancêtres venus de France que ceux venus d’Écosse. Mais moi, je serai mort, mon frère.
Le 1er juillet, quand Rivière-du-Loup fêtera ces sombres « héros » en pétaradant, il faudra rappeler au 78e régiment des Fraser Highlanders que notre fierté a survécu à leurs exactions passées.
1 commentaires
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Bon bref, je n'ai pas aimé votre article sur Malcolm Fraser. Dans les guerres il y a des tueries, c'est plate et c'est aussi très viril. Malcolm a sans doute fait du bien autour de lui après la guerre.