Êtes-vous locavore ?
Pierre Jobin
Citadin de naissance, mais rural par adoption, je croyais naïvement lors de mon arrivée dans le Bas-St-Laurent en 1984 que j'aurais accès facilement aux produits agricoles de la région. Cette vision idéalisée du milieu rural et agricole est vite disparue au contact de la réalité. Le rêve du calme bucolique de la campagne s'est vite heurté aux terres de roche, aux grandes exploitations agricoles, laitières notamment, qui s'empressaient d'expédier leurs productions en direction des grands centres de transformation comme ceux de Saint-Hyacinthe. En fait, les seuls produits régionaux accessibles à l'époque, si j’exclus les odeurs occasionnelles des épandages, étaient les produits de l'érable.
Mais pas le moindre kiosque de fruits ou de légumes à l'horizon. Tout comme en ville, la seule source d'approvisionnement en produits agricoles restait l'épicerie du village ou le supermarché des petites villes à proximité. Nous étions donc réduits, en fin d'hiver, à nous approvisionner de carottes en provenance du Mexique et même d'Israël.
L'ère du changement - vers une autonomie alimentaire régionale
Heureusement, les temps ont changé. Depuis quelques années, les petits producteurs maraîchers se sont multipliés dans notre région. En saison, il est très facile d'avoir accès à des légumes frais. L'ajout de petites serres, chauffés ou non, prolonge la saison de production. Quelques maraîchers se lancent également dans des légumes de conservation comme les carottes et les courges. L'an dernier, j'ai pu me procurer des carottes locales pratiquement jusqu'à la fin de l'hiver.
Du côté de la viande également, il y a eu d'immense progrès. Il est relativement facile de se procurer du bœuf, du porc, du poulet ou de l'agneau produit localement. On peut même ,si le cœur nous en dit, se procurer du bison, du sanglier et du dindon sauvage. Et il n'est pas vraiment difficile de se procurer des œufs.
L'offre de fruits s'est aussi diversifiée, en particulier celle des petits fruits. Aux traditionnelles productions de fraises, de framboises, et de bleuets se sont ajoutées les productions de fruits comme la camerise, l'amélanchier, l'argousier, le sureau, etc. On pourrait souhaiter que nos producteurs de fraises se tournent vers des variétés plus tardives afin de prolonger la saison. Du côté des pommes, des poires et des prunes, la disponibilité est moins évidente.
L'offre est un peu plus limitée du côté des légumineuses. Personnellement, je ne connais qu'une entreprise qui produit des haricots noirs et rouges dans notre région immédiate.
Même du côté de la transformation, la paysage a changé. Nous avons vu apparaître de nombreuses boulangeries et fromageries sur le territoire.
Tout n'est pas rose
Cependant, cette production locale demeure fragile. Les clients ne sont pas toujours au rendez-vous. Malgré la qualité des produits, les maraichers et les petits éleveurs ne sont pas capable de concurrencer les grosses productions industrielles et l’achat des produits locaux n’est pas à la portée de tous les ménages.
De plus, les grandes politiques agricoles ne portent pas une grande attention à ce type de production. Il y a un manque d’infrastructures comme des abattoirs de proximité ou des entrepôts qui pourraient permettre la conservation des légumes et des fruits.
Il y a encore beaucoup à faire pour atteindre l’autonomie alimentaire régionale, la consommation locale et la production en circuit court. Il n’est pas normal que des carottes parcourent des milliers de kilomètres et traversent même l’océan pour aboutir sur une table du Québec.
Si nous voulons atteindre ces objectifs d’une agriculture durable et respectueuse de l’environnement, nous devons donner la parole à ces petits producteurs. En général, nous donnons peu la parole aux agriculteurs dans notre société industrialisée. C’est encore plus vrai pour ces petits maraîchers et éleveurs qui sortent des sentiers battus.
Il vaut la peine de souligner le travail à travers le monde de Via Campesina, le mouvement paysan international, et plus près de nous au Québec, celui de l’Union paysanne, fondée par Roméo Bouchard.
Beaucoup a été accompli. Beaucoup reste à faire. Au plaisir de vous croiser dans un marché public.
Liste des marchés publics du Bas-St-Laurent :
Via Campesina :
Union paysanne :
« L’Union paysanne croit à l’atteinte des souverainetés alimentaires par une agriculture écologique et paysanne, en vue de procurer à notre population une nourriture saine et diversifiée, dans le respect de la nature, des sols, des animaux, de l’environnement et des communautés ; d’autre part, sur l’habitation du territoire, de façon à assurer le maintien de campagnes vivantes et une paysannerie forte, nombreuse et plurielle. »
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